En voiture Simone ! Et change tes binocles ! Mais de quoi va-t-elle nous parler ? Mais du monde pardi ! Encore et toujours, ce monde que je souhaite voir s’améliorer, et dont j’ai espoir de voir des changements rapides. Des choses se passent. Je sens des frémissements, pas vous ? Nous sommes en révolution mais ça prend du temps et nous en sommes acteurs alors seul le recul temporel pourra nommer cette période historique.

Alors en voiture Simone pour un nouveau système ! Ou devrais-je dire « tous à bord ! » sur un grand bateau à voiles... Imaginez... Car j’aimerais tant que nous fassions tous partie du même bateau, j’aimerais tant que la coopération et la solidarité l’emportent sur la compétitivité et la cupidité, j’aimerais tant qu’on se sente tous faire partie du même monde (John Lenon sort de ce corps!). Cependant je nous perçois dans un train lancé à toute vitesse. La locomotive à vapeur, gavée au charbon, avance et file de plus en plus vite. Des pauvres hères courent derrière et sont largués comme les amarres. Car plus possible de grimper dans le train, il va trop vite, il s’éloigne, il est parti… Alors il va vite, ses passagers vont loin mais ils vont seuls. La locomotive de tête, l’élite, accélère, les wagons souffrent, se détachent pour certains, bringuebalants, plus d’ensemble, déliquescence du savoir-vivre-ensemble.

 

Égalité comme principe

Où est donc passé un des piliers de notre devise ?
J’ai l’impression que nous jouons avec des règles injustes qui font gagner le même à chaque partie et les autres continuent de jouer sans jamais gagner. Et tout le monde connaît les règles. Donc tout le monde connaît le gagnant. Franchement pas drôle ! Si on avait le choix aisé, on s’en détournerait vite pour aller jouer ailleurs.

Tout groupe ethnique semble disposer d’un code moral basé sur la réciprocité. On a besoin de l’Autre pour exister. Sans aller jusqu’à le chérir, pouvons-nous au moins le respecter ? (J’en appelle à Aretha!)
On n’a qu’un gâteau, qu’un lit avec une couverture. Si l’on prend une grosse part du gâteau, l’Autre aura faim. Si l’on tire la couverture, l’Autre aura froid. Être égal et juste est la base de cette considération de l’Autre.

Réduire les inégalités me semble donc primordial pour retrouver notre principe fondateur. Sur des inégalités criantes telles que les salaires, on voit bien que réduire les écarts est le seul levier efficace. Augmenter les bas salaires ou baisser les prix ne résout rien. En effet, augmenter les salaires fait augmenter les prix et baisser les prix fait baisser les salaires car tout va dans le même sens (on n’a pas vu une entreprise être capable de payer plus ses employés tout en vendant au même prix, sauf à réduire ses profits mais on touche un sujet connexe). Pour faire simple, le levier est donc la réduction des écarts (les uns vers le bas, les uns vers le haut, autour du salaire médian qui reste inchangé, 1789 € (tiens, tiens, c’est drôle!) selon les dernières statistiques disponibles de 2016 pour information. Un schéma vaut mieux qu’un long discours (quoique Danton avait pu prononcer bien à propos en 1793 : « Respectez la misère, et la misère respectera l’opulence »)  :

graph salaire

Sur d’autres domaines, l’égalité peut être un « nivellement par le bas » au début certes, mais on embarque tout le monde et on progresse ensemble. Le niveau général augmente. On apprend les uns des autres. C’est plus lent. Ça peut être frustrant pour ceux qui se sentent supérieurs aux autres mais c’est enthousiasmant, inclusif pour ceux qui se sentent inférieurs aux autres. Et chacun révèle son potentiel au contact de l’Autre. Car nous sommes tous des humains égaux. Il y a toujours un mieux, un moins bien que soi. Si on se base sur des critères scientifiques voir scientistes, cela est réducteur en n’englobant pas l’entièreté de ce qu’est un individu. Il y a du bon en chacun et notre société devrait permettre de le faire ressortir.

 

L’amélioration comme but

Pourquoi vous embêter avec toutes mes réflexions ? Pour partager des raisonnements et expériences, en avoir un avis, débattre. Simplement dans le but de s’améliorer, soi-même, les autres, nos interactions, le système humain. Je me dis que ce doit être un des but de la vie : chercher du meilleur. Mais d’abord il faut être conscient de ce que l’on a...
« Se contenter de ce qu’on a ». Pas dans le sens « se contenter des miettes » mais dans le sens d’apprécier les richesses que l’on a sous le nez, de plaisirs simples.

Je suis convaincue qu’il faut se contraindre volontairement. La sobriété heureuse est possible. J’ai vécu des périodes riches et pauvres, passant du double du salaire médian à aucun revenu (mais avec de l’épargne, chanceuse). Sans donc connaître la grande misère mais selon mon mode de vie choisi, j’expérimente le froid, la faim par le corps. Je loue les bonnes volontés qui imaginent ces situations mais rien ne remplace l’expérience charnelle, davantage marquante et enrichissante. Ainsi je me suis étonnée des grandes facultés du corps à s’adapter rapidement. Et je peux vous dire que je n’ai jamais été si sobre (et créative!) que lorsque j’avais moins. Même si l’on est conscient et engagé, il est tentant de dépenser ce que l’on a, de « profiter », d’assouvir des besoins inutiles. Quand on a moins, on se concentre sur l’essentiel. Et quand on le fait volontairement, on le vit bien.
Je remarque que ces situations relatives de confort ont été vécues avec des revenus de 0 à 2 fois le salaire médian, me plaçant donc tantôt à la limite des 10 % les plus riches, tantôt parmi les 10 % les plus pauvres. Cette relative faible variation induit déjà une diversité de façons de vivre et donc de penser. Alors qu’en est-il quand la différence est de 5, 50, 100 fois? Peut-on encore dire qu’on vit dans le même monde ? Je ne le crois pas. Partageant la même planète mais vivant dans des mondes séparés et qui malheureusement s’éloignent pour jamais ne se rencontrer. Néanmoins, on pourrait se retrouver dans une sobriété volontaire, égalitaire.
Vivez comme des pauvres en ayant une aisance financière, vous vous sentirez d’autant plus riche ! Ça pourra regonfler l’égo du mâle alpha en mal d’Alfa (Roméo) rutilante et rugissante.
Je ne dis pas que cet état doit être constant. Et je suis consciente qu’il est plus difficile à la princesse de redevenir Cendrillon que l’inverse (quoiqu’elle se satisfasse de sa condition dans cet exemple). Des périodes plus fastes permettent d’égayer un quotidien plus austère, en les appréciant davantage d’ailleurs. C’est en tous cas une grande liberté, un luxe, de la choisir et non la subir.
Vivons maintenant, avec moins mais mieux, sans peur du futur que l’on écrit.

 

Nos lunettes de vue

Tout est question de regard, comment nous voyons les choses et comment nous allons agir.

On déforme les faits, on les intègre, les voit en fonction de ses lunettes de vue, de son prisme de vision déformant, propre à chacun, dépendant de sa culture, son expérience, sa personnalité, sa sensibilité, etc.
Ainsi « la loi du fort » est une vision particulière de la Nature, propre à notre culture occidentale, qui n’est ni la réalité, ni universelle.

Exemple :
- fait : le lion mange la gazelle.
- interprétation avec les lunettes de la « loi du plus fort » : le lion est plus fort, il mange la gazelle
- interprétation « cycle de la vie » : la gazelle NOURRIT le lion et le lion quand il mourra, nourrira les insectes, se décomposera, nourrira les végétaux qui nourriront la gazelle.
Un fait, 2 façons de voir, 2 conceptions du monde.

Et, je ne m’avance pas trop en disant que la conception dominante du monde ne semble pas apporter la joie de vivre à la majorité. Beaucoup de problèmes s’accumulent, depuis longtemps, sans trouver de solutions.

Nos lunettes de vue évoluent en fonction de ce dont on se nourrit intellectuellement, spirituellement sûrement même physiquement. Et si on imaginait enlever ses lunettes, ou du moins certaines couches qui s’ajoutent, retrouver un regard neuf. Que verrait-on ?

 

Le temps retrouvé

Tout cela prend du temps, temps que l’on a pas, temps que l’on ne prend pas.

Pour faire vivre un système coopératif, d’entraide, on a besoin de temps disponible. Stop à l’emploi du temps surchargé, sans place pour l’imprévu.
J’ai l’impression de voir de plus en plus de résistance passive, des personnes ne voulant plus effectuer des tâches absurdes. Parfois il s’agit davantage d’abandon. Sur cette palette de conscience et de volonté, la résistance est là et peut s’amplifier.

 

Dans notre système actuel, je ne vois pas d’autre solution que de diminuer son temps de travail volontairement afin de se dégager du temps à accorder aux autres, à s’accorder à soi pour réfléchir à ce que l’on fait plutôt que de foncer la tête dans le guidon.

C’est aussi du temps pour transmettre, échanger entre générations, ne pas perdre les connaissances, savoirs acquis dans cette course-fuite.

Cela permet de s’engager sur ses valeurs : y réfléchir, les définir pour savoir dire ce que l’on trouve « bien », « cool », « nécessaire », etc. Puis d’essayer, sans s’affliger, d’être cohérent autant que possible avec toutes nos contradictions humaines.

Puis, on peut agir de manière ciblée, selon ses moyens, son échelle. L’éparpillement est usant et improductif face à l’échelle d’action planétaire à envisager. Et, même face à l’urgence, le calme reste notre meilleur allié (regardez les évacuations d’urgence : il est toujours plus efficace et fluide de se mouvoir calmement que de courir). Nous sommes obligés de nous faire confiance et de nous reposer les uns sur les autres.

 

Le temps des femmes

Si l’on en croit Simone de Beauvoir, la femme étant « esclave de l’espèce », on peut penser qu’il n’est pas fortuit qu’elle prenne sa place à l’heure où la survie de l’espèce et de la biodiversité (sans dramatiser) est en jeu dans les quelques décennies à venir, ou, au moins, l’humanité telle que nous la vivons.

 

Pour être ensemble

Il m’arrive d’être d’accord avec les écrits de Nietzsche : être exigeant à soi, pousser ses limites, mais à l’échelle individuelle, comme un passage de vie, un moment de vie (car elle n’est pas linéaire, constante). Cependant cela ne peut pas être la base de notre façon d’habiter la Terre, de notre société. C’est trop compétitif, individualiste. Même si le bien et le mal perdureront, on peut tendre vers plus de douceur et d’égalité. Nous sommes dans une société tendant à être pacifiée et les gens préfèrent cela à la guerre il me semble. Dans les paroles, les concepts, certains peuvent préférer la guerre mais dans les faits, dans le pragmatisme du quotidien, je pense que la paix l’emporte dans les esprits et les cœurs.

 

Chacun est plein de ressources internes : force physique, résistance psychique, courage…

L’individualisme se centre sur soi en ayant fortement besoin des autres (dans un mode d’exploitation) pour satisfaire ses besoins (exemple : ressources matérielles du monde vivant, travail des autres humains, etc).
Une vision basée sur la suprématie de l’homme et son dépassement individuel me semble obsolète et incompatible à un système où on atteint les limites de cette suprématie reposantes sur des ressources matérielles limitées.

En outre, selon E.F. Schumacher dans le célèbre Small is Beautiful, 96 % du temps humain global est non productif pour ses besoins vitaux. On occupe le temps restant... à savoir comment occuper ce temps restant. On cherche à tuer l’ennui en se rendant (sur)actif (pour les plus conscients, ou d’autres exploitent les circonspects de leur liberté). Mais si l’on est (sur)productif, c’est encore plus d’ennui à tuer (on est l’instigateur de sa propre condition). Il conviendrait alors de passer de la « production de masse » à la « production de la masse », que chacun fasse des efforts égaux pour couvrir ces 4 % de temps nécessaires aux besoins humains vitaux.

Penser collectif et coopération permet de faire appel aux compétences et ressources propres à chacun, à ce que les autres savent faire de mieux, pour réaliser des communs utiles à tous.

On ne peut faire face tout seul à tous les défis qui se présentent. Nous sommes voués à vivre ensemble. Autant essayer de le faire au mieux, au plus juste.

 

De la démocratie

A écouter les politiciens, j’ai l’impression d’être à un spectacle de marionnettes où l’on voit les ficelles grossières, un spectacle de magie où l’on connaît tous les trucs. Donc, écouter les discours et les interviews est d’un mortel ennui.

On est loin de la définition de la politique : conduite effective des affaires publiques, menée, suivant certains principes, par les gouvernants d'un État.
Ou, avec un grand "P": Art de conduire les affaires de l'État, science et pratique du gouvernement de l'État.
Finalement, plus généralement: ligne de conduite raisonnée, en particulier d'une entreprise, d'une institution.
La raison intervient quand même!
On est loin du principe de démocratie : principe d’égalité entre les citoyens pour qu’ils se gouvernent eux-mêmes.

 

Chacun a une position lui conférant un point de vue sur le monde, parfois aussi SON monde. La confrontation de ces points de vue, leur débat, permet d’acquérir une vision globale du monde dans sa réalité (des mondes parfois sans contact aujourd’hui), pour tenter de résoudre nos problèmes au mieux, en satisfaisant tout un chacun.

À l’heure d’une communication surabondante, il semblerait que nous n’échangions pas sur l’essentiel ni l’important et que cette vision holistique nous échappe.
Alors vive les repas de famille où on se dispute, les terrasses de café où l’on débat, les querelles d’idées et autres discussions passionnées !

 

Volonté de vivre

Au « pouvoir d’achat », j’oppose la « volonté de vivre ».
Plus de pouvoir d’achat, c’est plus de pouvoir de polluer. L’impact carbone est assez proportionnel aux revenus. Sans stigmatiser ou rentrer dans un autre dogme vert, passant du saint PIB au saint CO2, les personnes plus aisées ont plus de latitudes pour engager des changements significatifs afin de limiter l’impact humain sur le changement climatique (ou de s’y adapter pour maintenant!).

De plus, il y aura toujours une élite et des suiveurs. Aujourd’hui, l’élite (les gens de pouvoir, disposant d’une image positive, enviée) est synonyme de richesse matérielle, financière, d’argent. Ces personnes peuvent donner un autre exemple de manière de vivre pour enclencher une spirale vertueuse qui emmène les pauvres suiveurs, copieurs du bien-pensant.

 

Notre société est froide, ordonnée, triste. Sans aller dans l’extrême inverse, j’aimerais de la vie, de la chaleur réconfortante, du chaos créateur, de la joie d’entreprendre.

La civilisation s’effondre. Et alors ! Construisons-en une nouvelle ! Elle ne sera pas parfaite. Certaines choses seront moins bien, d’autres seront mieux. On ne part pas de la page blanche. C’est un processus continue, perpétuel, grandiose quand on se pense « petit rouage de l’humanité ».

La quête d’un idéal imaginé, fantasmé peut décevoir car la vie est imparfaite. Elle n’est pas qu’idées et raisonnements mais aussi sensations et émotions.
« C’est la vie ! » Elle est belle et misérable à la fois. Elle est peut être éternelle. Mais celle qu’on vit est courte alors autant qu’elle soit bonne et nous rende heureux. Si chacun agit en conscience, selon ses moyens d’actions, sans culpabilité ni arrogance, quel monde uni, unique et magnifique… ! Je rêve, je vis.

 

Le monde est notre manière d’habiter la Terre qui actuellement n’est pas enthousiasmante. Trop inégalités rendent notre monde invivable ou crée des mondes qui ne se rencontrent pas mais qui cohabitent néanmoins.
Le but est d’améliorer les choses, toujours, faire du mieux qu’on puisse chaque jour.

Nous plantons aujourd’hui les graines des idées qui vont grandir et prendre toute leur place dans deux ou trois générations, espérons avec splendeur et noblesse. Ce serait une belle récompense dont nous pourrions être fiers et contents.

 

Chaque individualité est insignifiante autant que noble et grande lorsque l’on se pense ensemble en terme d’humanité participante au Tout appelé le vivant.

 

Aurore Bordet
2 juin 2022

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